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C'est la vie, que veux-tu
26 mars 2014

Certaines féministes, et le hijab

Etant féministe moi-même, je n'ai pas l'intention de faire ici des généralités méprisantes sur les féministes.

Concernant le hijab (à savoir le foulard porté par un certain nombre de femmes musulmanes), il n'y a pas de consensus entre les féministes. Certaines féministes ne cachent pas leur hostilité déclarée contre le hijab, d'autres non.

Je voudrais faire ici quelques remarques sur les propos que peuvent tenir certaines féministes particulièrement hostiles au hijab. Tellement hostiles qu'elles vont parfois jusqu'à suggérer de l'interdire dans l'espace public, apparemment sans se troubler de trouver là un subit terrain d'entente avec Marine Le Pen.

La perception des femmes portant le hijab est quelque peu ambiguë. Elles sont parfois vues comme de pauvres victimes forcées de porter le hijab par un mari/père/frère particulièrement irrascible, ou encore comme des "chevaux de Troie" menaçants qui, à l'aide de leurs foulards en apparence inoffensifs, chercheraient à installer une terrible dictature islamiste en Europe (et c'est là encore que les propos de certaines féministes peuvent rejoindre, de manière troublante, ceux de politicien-ne-s réactionnaires et racistes).

Voilà donc ce que peuvent dire certaines féministes à propos des femmes portant le hijab :

 

"Elles sont forcées de le faire, ce n'est pas un vrai choix"

Qu'est-ce que c'est au juste qu'un "vrai choix" ? Doit-on se justifier sur chacun de nos choix vestimentaires dès lors que l'on met un pied dans la rue ? (d'ailleurs ce sont souvent les femmes qui sont sommées de se justifier concernant leur tenue vestimentaire, étrange non ?)

Est-ce qu'une femme fait davantage un "vrai choix" quand elle porte un décolleté ou des chaussures à talons, en adoptant ainsi certains codes sociaux liés à la "féminité" ? A partir de quel moment son choix vestimentaire doit-il être reconnu comme valide et conscient ? Pourquoi faudrait-il interdire certains symboles "féminins" et pas d'autres ?

 

"Elles sont manipulées par la religion"

La féministe "anti voile" veut bien reconnaître, la plupart du temps, que les femmes qui portent le hijab ne le font pas forcément sous la menace d'un revolver qu'on leur met sur la tempe. Elle veut bien reconnaître que, certes, une femme peut mettre un hijab sur sa tête de son plein gré, sans qu'on vienne la menacer ou faire pression sur elle pour qu'elle le fasse. Elle fera cependant remarquer : elle n'est pas forcée, d'accord, mais elle est manipulée.

Mais si l'on considère que la religion (en l'occurrence musulmane) est une manipulation, en quoi est-il utile de vouloir interdire ce qui n'en est qu'un symbole ? Empêcher une femme de porter un foulard ne la rendra pas moins croyante. En revanche, cela lui donnera probablement la sensation que, décidément, on méprise beaucoup la foi des croyant-e-s musulman-e-s.

Et puis, pourquoi les droits de chacun-e ne seraient-ils pas garantis ? J'ai le droit de considérer que la religion est une manipulation, mais la femme en face de moi a le droit d'être croyante. Si je cherche à arracher tous les foulards des musulmanes de force, je ne promeuts pas la laïcité, mais une tyrannie athée.

Par ailleurs, il y a des femmes qui portent un foulard sans considération théologique quelconque, tout simplement parce que c'est un symbole culturel banalisé dans leur région d'origine, ou celle de leurs parents.

Et par ailleurs, je m'étonne que personne ne cherche à sauver de la manipulation dont ils sont victimes tous les hommes qui portent des kippas, des turbans sikhs ou des soutanes, par exemple.

 

"Quand on pense que, dans d'autres pays, les femmes se battent pour ne pas le porter !"

Quel rapport ? En effet, en Iran ou en Arabie Saoudite, une femme sort dans la rue avec un hijab parce qu'elle n'a pas tellement le choix. Mais en quoi la musulmane française qui porte le hijab de son plein gré est-elle responsable de cette situation ?

« Tu comprends, moi, quand je vois un voile, je vois les femmes iraniennes obligées de porter le hijab, les Afghanes emmurées de force dans leur burqa, les Algériennes tuées ou vitriolées parce qu’elles ne portaient pas le voile, le Code de la famille, les lapidations… » (...)

Je ne comprends pas non plus pourquoi ce sont des voiles et seulement des voiles que tu vois, et pas des femmes qui, accessoirement, et parmi un milliard d’autres attributs tout aussi ostensibles, portent un voile. Je ne comprends pas davantage pourquoi la vision dudit voile te téléporte en Algérie, en Iran ou en Afghanistan – ni pourquoi ce sont des femmes ici qui doivent au final payer pour les méfaits des hommes là-bas. 

(Pierre Tevanian, La haine de la religion)

Et puis, "les femmes" se battent ? Si le port du hijab n'était plus obligatoire en Iran, il y a probablement beaucoup de femmes qui ne le porteraient plus. Il y en a d'autres, aussi, qui continueraient à le porter. Est-ce que l'essentiel n'est pas qu'elles puissent faire ce qu'elles veulent ?

 

"Mais la religion, c'est patriarcal !"

Eh oui, scoop, les pratiques religieuses peuvent véhiculer du sexisme. Est-ce que cependant, on doit promouvoir l'égalité des sexes à coups de mesures et de lois autoritaires ? Surtout quand la femme au foulard en face peut te répondre que sa pratique religieuse ne l'empêche nullement de réfléchir à l'égalité des sexes, merci.

arton707

 

"Le hijab c'est l'étoile jaune de la musulmane"

Cette phrase, répétée comme un mantra par certaines féministes, me donne envie de vomir mon déjeuner sur mes genoux, personnellement.

Non, un hijab n'est pas une étoile jaune. Non, une femme qui porte un hijab ne vit pas la même chose qu'une personne juive forcée de porter une étoile jaune par le pouvoir nazi (et menacée ainsi d'arrestation, de déportation et d'assassinat... Faut-il le rappeler ?).

Non, les musulman-e-s qui tolèrent, voire promeuvent le port du hijab ne sont pas comparables à des nazis.

Cette phrase fait des raccourcis immondes, et j'aimerais bien que les personnes qui la répètent en aient conscience.

 

"C'est une menace contre la démocratie, contre la laïcité !"

J'aimerais bien qu'on m'explique en quoi le fait de pratiquer une religion, en l'occurence, en portant un signe "ostensible", est contre la démocratie ou contre la laïcité. C'est même le contraire : la démocratie et la laïcité françaises permettent à chacun-e de pratiquer ou de ne pas pratiquer une religion.

En fait, les personnes qui ont cette image-là des femmes portant le hijab projettent souvent sur elles leur vision fantasmée de certains partis politiques (les Frères musulmans égyptiens ou le parti tunisien Ennahda, par exemple).

Sauf que bon, ta voisine musulmane portant le hijab à Aubervilliers (Seine Saint-Denis) ou Guéret (Creuse) ne connaît pas forcément ces partis. Peut-être même qu'elle est plus attirée par le NPA... Qu'est-ce que tu en sais ?

Ilham_Moussaid

 

"Mais quand on est féministes, on doit lutter contre le voile !"

Qui définit ce qu'une féministe doit faire, et comment ? Un hijab n'est jamais qu'un morceau de tissu, mais peut-on lutter "contre" en faisant totalement abstraction de la femme qui le met sur sa tête ?

 

"Le voile c'est comme l'excision ! D'ailleurs il y a aussi des femmes excisées qui disent qu'elles en sont fières, est-ce qu'on doit tolérer l'excision ?"

 Je ne crois pas que c'est "comme", non.

L'excision est une mutilation du sexe féminin, qui a souvent des conséquences physiquement douloureuses pour les femmes concernées.

Le hijab est un morceau de tissu noué sur la tête, qui peut toujours en être retiré et ne blesse pas le corps. Mettre les deux sur le même plan, c'est à mon avis faire preuve d'un certain sens de la disproportion...

 

"Mais le voile, c'est sexiste ! Ca favorise une différence entre hommes et femmes"

On peut dire la même chose à propos des robes, des chaussures à talons, des bijoux, du maquillage... qui sont majoritairement portés et utilisés par des femmes. Cependant, je ne crois pas que des féministes suggèrent de les interdire.

Le sexisme passe par toutes sortes de symboles et de codes sociaux, et se focaliser uniquement sur le hijab en faisant abstraction de tout le reste n'a aucun sens.

 

"Les femmes qui portent le hijab mettent les autres femmes en danger, parce que du coup il y a une pression générale pour forcer toutes les femmes à le porter"

Ou pas... Mais je ne comprends pas bien la logique de ce raisonnement : est-ce que pour préserver certaines femmes, il faudrait en punir d'autres ?

Ou alors promouvoir le respect de toutes les femmes, quels que soient les tissus qu'elles peuvent bien mettre (ou ne pas mettre) sur leur corps et sur leur tête ?

 

"Tu es pro-voile, c'est horrible, tu trahis le féminisme"

Que veut dire au juste "pro-voile", cette expression qui se veut infâmante et qui est utilisée contre certaines féministes ?

Je n'oblige et je n'encourage aucune femme à porter le hijab. En revanche, j'estime que je ne détiens aucun droit me permettant d'obliger une femme qui le porte à l'enlever. Evidemment, comprendre ce point de vue oblige à renoncer à certaines oppositions manichéennes concernant le hijab...

 

 

Pour conclure cet article (sans vraiment conclure, car il y aurait sans doute beaucoup à ajouter...), j'espère voir certaines féministes renoncer à un certain prêt-à-penser concernant le hijab et les femmes qui le portent. Non pas pour chanter les louanges du hijab ou de l'islam, contrairement à ce que l'on m'a déjà dit (!). Pouvons-nous nous contenter d'un "féminisme d'Etat" qui crie victoire dès lors qu'une nouvelle loi interdit le hijab dans tel ou tel contexte, loi promue le plus souvent par une majorité d'hommes, et au dépend des besoins et des intérêts des femmes concernées ?

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Commentaires
L
Et bien moi, je vous remercie, Yuna-Aïsha, pour votre commentaire, votre ouverture d'esprit, votre humanisme et votre.... bon sens.<br /> <br /> <br /> <br /> Il est le seul qui devrait mener nos vies. Avec l'amour, bien sûr.<br /> <br /> <br /> <br /> Donc : juste merci.
Répondre
Y
Bonsoir Angèle,<br /> <br /> Je comprends votre point de vue. Cependant, je n'y adhère pas. Vos enfants, de leur vie, auront-ils une seule et unique personne référente pour leur éducation? Pourquoi ne pas embrasser la diversité qui vous est offerte sur un plateau et saisir l'occasion pour en faire un instant pédagogique : "Mon/Ma chéri(e), ta nouvelle tatie est un peu différente de nous, elle est (noire/musulmane/blanche/handicapée/comique...rayer la mention inutile) mais c'est une personne comme nous. de ce fait, nous devons la voir et interagir avec elle de manière respectueuse et inclusive, ne pas la juger elle, ni ses choix, et échanger avec elle en toute amitié et confiance" (la phrase se décline également de manière fantastique au masculin).<br /> <br /> Ce qui compte, pour choisir la personne à qui on confie la garde de nos enfants, et leur éducation, ce n'est ni la couleur de leur peau, ni le nombre de centimètres carrés de tissu qu'elle porte, ni le nombre de bras, de jambes, d'yeux ou de dents, c'est l'amour qu'ils ont à partager avec nos enfants, les passions qu'ils sont en mesure de leurs transmettre, l'ouverture d'esprit qui découlera de cette interaction. <br /> <br /> En limitant le champ des personnes auxquelles vous exposez votre enfant, vous limitez le champ des personnes qu'il considèrera comme "normales" (que ce mot m'est désagréable!), et vous contribuez donc à perpétuer une inégalité de fait dans son esprit, inégalité que vous-même avez hérité d'une civilisation colonialiste qui a œuvré des siècles pour créer une "culture" artificielle uniformisée en opprimant les cultures locales (langues et patois régionaux, musiques, danses, cultures et gastronomies locales) pour les réduire à l'état de folklore - quelque chose auquel on assiste, mais on ne participe plus.<br /> <br /> Moi-même, je suis musulmane et féministe militante. J'ai beaucoup cherché LA personne qui garderait mes enfants. Par simplicité, j'ai choisi une femme dont l'origine est proche de celle du papa de mes enfants, et qui comprendra donc leur trilinguisme... J'ai fait des erreurs dans ma recherche, je suis tombée sur des perles (trop loin de la maison) comme sur des mégères (garder un enfant en ayant la télévision allumée, trop peu pour moi)... L'essentiel est de trouver la personne qui leur offrira de l'amour ; indépendamment de son sexe, de sa couleur de peau, de sa religion, ou de son style vestimentaire.<br /> <br /> J'espère que vous prendrez le temps de lire mon commentaire et peut-être d'installer un dialogue ouvert et respectueux.<br /> <br /> Yuna-Aisha
Répondre
A
Vraiment, il y a quelque chose qu'on en cerne pas. Je n'ai rien contre le voile. Je n'admet tout simplement pas qu'on le porte devant mes enfants qui s'identifient à leurs éducatrices. Je ne tolèrerais pas non plus une femme hypersexuée comme figure d'identification pour mes enfants. Voilà, c'est tout. Je ne veux ni l'un ni l'autre pour mes enfants, mais un modèle neutre. Quelqu'un qui peut bouger; sans talons hauts ni robe jusqu'au pied.
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