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C'est la vie, que veux-tu
26 mai 2015

Le réflexe Titanic

Lorsque j'écoute des informations à la télévision ou à la radio, quand il est question de conflits armés ou de tueries, je suis souvent irritée d'entendre certaines phrases comme : "Parmi les morts il y a des femmes et des enfants", "Des femmes, des enfants, des vieillards". Le grand manquant dans cette énumération étant l'homme adulte, dont la possible mort ne semble pas tellement retenir l'attention. 

Ainsi, on construit un groupe de gens désignés implicitement comme "faibles" (merci pour eux, c'est sympa) : les femmes-et-les-enfants, et puis les vieux. Les hommes adultes, eux, n'ont apparemment pas le droit d'être faibles, pas le droit de tenir à la vie, apparemment ils sont bons pour crever comme de potentiels soldats, même si une bombe les atteint quand ils sont au lit ou en train de se brosser les dents devant le miroir de la salle de bains. 

Implicitement, cela signifie aussi que les femmes ne sont pas considérées comme de potentielles combattantes, on leur accorde d'emblée une "innocence", elles sont considérées comme étant toujours d'innocentes victimes qui n'avaient rien demandé à personne (et ce même si, dans les faits, cela fait longtemps que des femmes prennent part à des conflits armés). 

L'homme adulte est désigné implicitement comme étant un individu "normal", celui qui sert de critère et d'étalon ; par opposition, les "autres" sont construits comme étant les anormaux, les faibles, les innocents. Mais cette "normalité", l'homme adulte doit apparemment la payer en pouvant donner sa vie à tout instant, comme si celle-ci était par nature vouée au combat. Un homme adulte n'a t-il donc pas le droit de refuser le combat, d'être un civil et non un combattant ? Et par ailleurs, pourquoi assimiler systématiquement les femmes aux enfants, et les enfants aux femmes ?

Cette sollicitude affichée vis-à-vis des femmes-et-des-enfants est d'autant plus surprenante que les mêmes médias qui usent de ce genre de formules ne s'émeuvent guère quand des femmes et/ou des enfants sont victimes, par exemple, de la violence conjugale et parentale. On déplore publiquement une femme tuée par une bombe (pour le simple fait qu'elle est une femme, mais on ne s'attarde pas forcément sur sa personne et son individualité), mais on accorde moins d'attention à une femme tuée par les coups de son mari/conjoint. Quelle est donc la réelle valeur que l'on donne à la vie des femmes-et-des-enfants dont on parle si souvent ? Comment faut-il mourir pour être réellement considéré-e comme une victime innocente ? 

Certaines personnes cherchent des explications rationnelles au fameux "les femmes et les enfants d'abord" en disant que ce serait pour la préservation de l'espèce, un réflexe purement utilitaire pour que les femmes puissent faire des enfants : dans ce cas, les hommes sont-ils invités à couler avec leurs spermatozoïdes ? Et si une femme ne veut pas d'enfants, ou est stérile, doit-elle couler aussi ? 

Peut-être pourrait-on simplement se dire, rationnellement, que toute vie a une valeur, que toute vie perdue peut être déplorée, quelle que soit la personne qui meurt, et quelles que soient les circonstances de sa mort. Le réflexe Titanic n'est pas justifiable, et puis il est sexiste.

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